mercredi 25 mai 2011

Premier remord d'Émile Nelligan

 Premier remords 

Au temps où je portais des habits de velours, 
Éparses sur mon col roulaient mes boucles brunes. 
J’avais de grands yeux purs comme le clair des lunes ; 
Dès l’aube je partais, sac au dos, les pas lourds. 

Mais en route aussitôt je tramais des détours, 
Et, narguant les pions de mes jeunes rancunes, 
Je montais à l’assaut des pommes et des prunes 
Dans les vergers bordant les murailles des cours. 

Étant ainsi resté loin des autres élèves, 
Loin des bancs, tout un mois, à vivre au gré des rêves, 
Un soir, à la maison, craintif, comme j’entrais, 

Devant le crucifix où sa lèvre se colle 
Ma mère était en pleurs !... Ô mes ardents regrets ! 
Depuis, je fus toujours le premier à l’école. 


Émile Nelligan

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