mercredi 1 juin 2011

Beauté cruelle... Émile Nelligan

 Beauté cruelle

Certes, il ne faut avoir qu’un amour en ce monde,
Un amour, rien qu’un seul, tout fantasque soit-il ;
Et moi qui le recherche ainsi, noble et subtil,
Voici qu’il m’est à l’âme une entaille profonde.

Elle est hautaine et belle, et moi timide et laid :
Je ne puis l’approcher qu’en des vapeurs de rêve.
Malheureux ! Plus je vais, et plus elle s’élève
Et dédaigne mon cœur pour un œil qui lui plaît.

Voyez comme, pourtant, notre sort est étrange !
Si nous eussions tous deux fait de figure échange,
Comme elle m’eût aimé d’un amour sans pareil !

Et je l’eusse suivie en vrai fou de Tolède,
Aux pays de la brume, aux landes du soleil,
Si le Ciel m’eût fait beau, et qu’il l’eût faite laide !

Émile Nelligan

1 commentaire:

  1. Émile Nelligan trouve belle sa blonde ;
    Il se voit au miroir : « Je suis moins beau », dit-il.
    Après quoi, il nous sort un argument subtil
    Sur la permutation qui changerait leur monde.

    Rassure-toi, mon gars, nul ne te trouve laid ;
    Tu as un beau regard, porteur de puissants rêves,
    Tu parles en sonnets où ton âme s'élève,
    Nous aimons ton esprit, ton langage nous plaît.

    Même quand tu produis des poèmes étranges,
    Des rhapsodes maudits tu restes le bon ange ;
    Ils sont presque jaloux de tes mots sans pareils.

    Tel Don Quichotte armé d'un acier de Tolède,
    Tu suis le long chemin que baigne un beau soleil :
    Ton existence, ami, ne sera jamais laide !

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