mardi 7 juin 2011

Le crêpe Émile Nelligan

Le crêpe
Émile Nelligan

Combien j’eus de tristesse en moi ce soir, pendant
Que j’errais à travers le calme noir des rues,
Éludant les clameurs et les foules accrues,
À voir sur une porte un grand crêpe pendant.

Aussi devant le seuil du défunt résidant,
Combien j’eus vision des luttes disparues
Et des méchancetés dures, sordides, crues,
Que le monde à ses pas s’en allait épandant.

Bon ou mauvais passant, qui que tu sois, mon frère !
Si jamais tu perçois l’emblème funéraire,
Découvre-toi le chef aussitôt de la main,

Et songe, en saluant la mort qui nous recèpe,
Que chaque heure en ta vie est un fil pour ce crêpe
Qu’à ta porte peut-être on posera demain.

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