mercredi 1 juin 2011

Le tombeau de la négresse Émile Nelligan

Le tombeau de la négresse
Émile Nelligan

Après que nous eut fui le grand vent des hivers,
Aux derniers ciels pâlis de mars, nous la menâmes
Dans le hallier funèbre aux odeurs de cinnames,
Où germaient les soupçons de nouveaux plants rouverts.

De hauts rameaux étaient criblés d’oiseaux divers
Et de tristes soupirs gonflaient leurs jeunes âmes.
Au limon moite et brut où nous la retournâmes,
Que l’Africaine dorme en paix dans les mois verts !

Le sol pieusement recouvrira ses planches ;
Et le bon bengali, dans son château de branches,
Pleurera sur maint thème un peu de ses vingt ans.

Peut-être, revenus en un lointain printemps,
Verrons-nous, de son cœur, dans les buissons latents,
Éclore un grand lys noir entre des roses blanches.

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