mercredi 1 juin 2011

Les balsamines Émile Nelligan

 Les balsamines
Émile Nelligan

En un fauteuil sculpté de son salon ducal,
La noble Viennoise, en gaze violette,
Des ses doigts ivoirins pieusement feuillette
Le vélin s’élimant d’un missel monacal.

Et sa mémoire évoque, en rêve musical,
Ce pauvre guitariste aux yeux où se reflète
Le pur amour de l’art, qui, près de sa tablette,
Venait causer, humant des fleurs dans un bocal.

La lampe au soir vacille et le vieux Saxe sonne ;
Son livre d’heures épars, Madame qui frisonne
Regagne le grand lit d’argent digne des rois.

Des pleurs mouillent ses cils... Au fier blason des portes
Quand l’aube eut reflambé, sur le tapis hongrois
Le missel révélait des balsamines mortes...

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