mardi 7 juin 2011

Musiques funèbres Émile Nelligan

Musiques funèbres
Émile Nelligan

Quand, rêvant de la morte et du boudoir absent,
Je me sens tenaillé des fatigues physiques,
Assis au fauteuil noir, près de mon chat persan,
J’aime à m’inoculer de bizarres musiques,
Sous les lustres dont les étoiles vont versant
Leur sympathie au deuil des rêves léthargiques.

J’ai toujours adoré, plein de silence, à vivre
En des appartements solennellement clos,
Où mon âme sonnant des cloches de sanglots,
Et plongeant dans l’horreur, se donne toute à suivre,
Triste comme un son mort, close comme un vieux livre,
Ces musiques vibrant comme un éveil de flots.

Que m’importent l’amour, la plèbe et ses tocsins ?
Car il me faut, à moi, des annales d’artiste ;
Car je veux, aux accords d’étranges clavecins,
Me noyer dans la paix d’une existence triste
Et voir se dérouler mes ennuis assassins,
Dans le prélude où chante une âme symphoniste.

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