mercredi 8 juin 2011

Nérée BEAUCHEMIN (1850-1931) Québec

Nérée BEAUCHEMIN (1850-1931)

Québec

Comme un factionnaire immobile au port d'arme,
Dans ces murs où l'on croit ouïr se prolonger
Le grave écho lointain d'un qui vive d'alarme,
À ses gloires Québec semble encore songer.

L'humble paix pastorale a replié son aile
Sur l'âpre terre où gît le sombre camp des morts :
Du bugle ensanglanté, la plaine solennelle
N'entend plus retentir les tragiques accords.

Au flanc de la redoute, aux poternes ouvertes,
Aux créneaux de la tour, aux brèches des remparts,
La mousse dont l'avril a teint les franges vertes,
Suspend ses verts pavois et ses verts étendards.

Au port ne viendront plus mouiller les caravelles.
Qu'importe ? contre toute espérance, on attend.
On attend qu'on nous fasse assavoir des nouvelles
Des bourgs d'où sont venus les purs Français d'antan.

Hanté du souvenir qui le tient en tristesse,
De par delà les mers, du lointain, de là-bas.
L'ancien logis qu'enchante une immortelle hôtesse,
De jours en jours attend quelqu'un qui ne vient pas.

Souventes fois, la nuit, comme aux jours des grands sièges,
Vibrent d'étranges sons de cors et de tambours :
Et, souvent, l'on a cru voir de pompeux cortèges
Défiler, radieux, sous l'ombre des faubourgs.

Une garde fantôme, une ronde macabre,
Passe, marchant à pas sonore et régulier,
Et l'on entend tinter des cliquetis de sabre
Sur les marches de bois du gothique escalier.

Ô Québec, reste fier, reste haut sur la rampe
Que dore le passé. Pour nous hausser le coeur,
Pour brandir fièrement les couleurs de ta hampe,
Sois-tu toujours debout, soit-tu toujours vainqueur !

Tant que les doux rivaux du divin Crémazie,
Inclinés sous le vol d'un lyrisme idéal,
Invoquant à genoux la sainte poésie,
Chanteront à plein coeur l'hymne national :

Tant que le pur accent d'une langue immortelle
Vibrera dans l'ancien parler pur de chez nous ;
Tant qu'un rayon d'amour luira dans la prunelle
De la Canadienne aux clairs jolis yeux doux !

À plein ciel, sur les toits, sur les places publiques,
Les hivers succédant aux hivers, neigeront.
Les châsses où la France a serti ses reliques
Sous leur rouille de gloire oncques ne périront.

Aujourd'hui le coeur s'ouvre, et tout revit. Sur l'onde
Dansent les rayons d'or du clair soleil pascal.
Le roc s'ouvre. Qui vive ?... Il faut que l'on réponde,
Sans peur, à haute voix : Frontenac et Laval.

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