Dans l'abri-caverne
Je me jette vers toi et il me semble aussi que tu te jettes vers moi
Une force part de nous qui est un feu solide qui nous soude
Et puis il y a aussi une contradiction qui fait que nous ne pouvonsnous apercevoir
En face de moi la paroi de craie s'effrite
Il y a des cassures
De longues traces d'outils traces lisses et qui semblent être faitesdans de la stéarine
Des coins de cassures sont arrachés par le passage des types de mapièce
Moi j'ai ce soir une âme qui s'est creusée qui est vide
On dirait qu'on y tombe sans cesse et sans trouver de fond
Et qu'il n'y a rien pour se raccrocher
Ce qui y tombe et qui y vit c'est une sorte d'êtres laids qui me fontmal et qui viennent de je ne sais où
Oui je crois qu'ils viennent de la vie d'une sorte de vie qui est
dansl'avenir dans l'avenir brut qu'on n'a pu encore cultiver ou élever
ou humaniser
Dans ce grand vide de mon âme il manque un soleil il manque ce quiéclaire
C'est aujourd'hui c'est ce soir et non toujours
Heureusement que ce n'est que ce soir
Les autres jours je me rattache à toi
Les autres jours je me console de la solitude et de toutes les horreurs
En imaginant ta beauté
Pour l'élever au-dessus de l'univers extasié
Puis je pense que je l'imagine en vain
Je ne la connais par aucun sens
Ni même par les mots
Et mon goût de la beauté est-il donc aussi vain
Existes-tu mon amour
Ou n'es-tu qu'une entité que j'ai créée sans le vouloir
Pour peupler la solitude
Es-tu une de ces déesses comme celles que les Grecs avaient douéespour moins s'ennuyer
Je t'adore ô ma déesse exquise même si tu n'es que dans monimagination
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
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