mercredi 25 mai 2011

Le talisman d'Émile Nelligan

 Le talisman 

Pour la lutte qui s’ouvre au seuil des mauvais jours 
Ma mère m’a fait don d’un petit portrait d’elle, 
Un gage auquel je suis resté depuis fidèle 
Et qu’à mou cou suspend un cordon de velours. 

« Sur l’autel de ton cœur (puisque la mort m’appelle) 
Enfant, je veillerai, m’a-t-elle dit, toujours. 
Que ceci chasse au loin les funestes amours, 
Comme un lampion d’or, gardien d’une chapelle. » 

Ah ! sois tranquille en les ténèbres du cercueil ! 
Ce talisman sacré de ma jeunesse en deuil 
Préservera ton fils des bras de la Luxure, 

Tant j’aurais peur de voir un jour, sur ton portrait, 
Couler de tes yeux doux les pleurs d’une blessure, 
Mère ! dont je mourrais, plein d’éternel regret. 


Émile Nelligan

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